Cosmologie/Résoudre les équations de Friedmann newtoniennes

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Nous avons établi les trois équations newtoniennes de Friedmann dans le chapitre précédent. Pour rappel, les voici :

H2=8πG3ρKa2
aa=4πG3ρ
dρdt+3Hρ=0

La résolution des deux équations de Friedmann

Maintenant que nous avons ces trois équations, nous allons tenter de les résoudre. La première étape pour cela passe par l'équation du fluide de Friedmann. Avec cette équation, on peut trouver une équation qui relie la densité avec le facteur d'échelle. On peut ensuite injecter cette équation dans la première et la seconde équation de Friedmann, effectuer des simplifications très appréciables.

La résolution de l'équation du fluide

Commençons donc par la première étape, en partant de l'équation du fluide, écrite comme suit :

dρdt=3Hρ

Divisons par ρ :

ρ(t)ρ(t)=3H

Il faut alors se rappeler que le facteur de Hubble dépend du facteur d'échelle, qui lui-même dépend du temps, d'après l'équation suivante, vue dans les chapitres précédents :

ρ(t)ρ(t)=3a(t)a(t)

On utilise alors la formule x(t)x(t)=lnx+Cst :

lnρ(t)+K1=3×lna(t)+K2, avec K1 et K2 deux constantes d'intégration.

On réorganise les termes, ce qui donne :

lnρ(t)=3×lna(t)+K, avec K=K2K1.

On prend l'exponentielle :

ρ(t)=e3×lna(t)×eK

On utilise alors la formule xy=expylnx :

ρ(t)=a(t)3×eK

Pour conserver la cohérence des unités, eK correspond à une densité. Et plus précisément, l'équation n'a de sens que s'il s'agit de la densité quand a(t)3=1. Notons-la ρ0. On a donc :

ρ(t)=ρ0×a(t)3

Cette équation peut se reformuler comme ceci :

ddt[ρ(t)×a(t)3]=0

Cette équation n'est autre que l'équation de conservation de la masse de l'univers. En effet, rappelons que le volume de l'univers est proportionnel au terme a(t)3. En supposant une masse constante et en la divisant par le volume, on retrouve bien l'équation précédente après quelques simplification.

ρ(t)=MV=MV0×a(t)3=MV0×1a(t)3=ρ0×a(t)3

De plus, cette équation est valable quelle que soit la courbure, ce qui est important à remarquer.

La reformulation de la première équation de Friedmann

Maintenant que l'on a obtenu l'équation précédente, on peut l'injecter dans la première équation de Friedmann et dans la seconde. Commençons par la première. On a alors :

H2=8πG3(ρ0×a(t)3)Ka2

Ce qui s'écrit aussi comme suit :

H2=8πG3ρ0a(t)3Ka2

Maintenant, remplaçons H par son expression dépendant du facteur d'échelle, vue plus haut :

(a(t)a(t))2=8πG3ρ0a(t)3Ka2

Simplifions le terme de gauche :

a(t)'2a(t)2=8πG3ρ0a(t)3Ka2

On multiplie par a(t)2 :

a(t)'2=8πG3ρ0a(t)K

On prend la racine carrée :

a(t)=8πG3ρ0a(t)K

L’univers dominé par la matière

L'équation précédente est difficile à résoudre en raison du terme de courbure, qui pose quelques problèmes. Mais en postulant une courbure nulle, on peut aller plus loin. Le modèle cosmologique obtenu sous ces hypothèses est appelé l'univers dominé par la matière, ce qui trahit le fait que l'univers en question ne contient que de la matière, sans courbure.

La détermination de la loi d'évolution du facteur d'échelle

Avec l'hypothèse d'une courbure nulle, l'équation précédente devient la suivante en réorganisant les termes :

a(t)=8πGρ03a(t)1

On utilise alors la formule a×b=a×b :

a(t)=8πG3ρ0×a(t)1

Prendre la racine carrée est équivalent à élever à la puissance 1/2, ce qui fait qu'on peut faire le remplacement :

a(t)=8πG3ρ0×a(t)12

Le tout se reformule comme suit :

dadt=Ka(t)1/2, avec K=8πG3ρ0.

On réorganise les termes :

a(t)1/2da=Kdt

On intègre :

a(t)1/2da=Kdt

On utilise la formule ax=(x+1)ax+1 :

32a(t)3/2=K×t

La réorganisation des termes donne :

a(t)=3K223×t23

On peut simplifier le tout en :

a(t)=a0t23

L'équation précédente est une loi de puissance. Or, nous avons vu les modèles cosmologiques basés sur des lois de puissance dans le chapitre "Une introduction aux modèles cosmologiques", ce qui fait que l'on pourrait réutiliser les résultats de ce chapitre directement. On a en effet établi des formules pour le facteur de Hubble, le décalage vers le rouge, le rayon de l'univers observable et bien d'autres pour de tels modèles. En appliquant ces formules, on trouve les résultats du tableau suivant :

Paramètre Formule du cas général Formule dans le cas de l'univers dominé par la matière
Facteur de Hubble H=nt H=231t
Temps de Hubble TH=tn TH=32t
Rayon de Hubble RH=ctn RH=32ct
Rayon de l'univers observable r(t)=ct1n r(t)=3ct=2RH
Age de l'univers t=nTH t=23TH
Paramètre de décélération q=32w+12 q=12

Ce qu'on peut tirer de ces formules, est surtout que l'expansion de l'univers ralentit avec le temps. En effet, le facteur de décélération est positif.

La relation entre densité et âge de l'univers

On peut aussi déterminer une relation entre l'âge de l'univers et la densité dans ce modèle. Pour cela, partons de l'équation suivante :

H=231t

En élevant l'équation au carré, on a :

H2=491t2

On peut alors combiner cette équation avec l'équation suivante :

H2=8πG3ρ

En égalisant les deux équations, on trouve :

8πG3ρ=491t2

En divisant par 8πG3, on trouve :

ρ=16πG1t2

Pour simplifier, on a :

ρ1t2

On voit que la densité diminue avec le carré du temps et que la constante de proportionnalité est assez simple.

L'univers dominé par la courbure

Le second modèle que nous allons voir est celui d'un univers vide, avec seulement de la courbure. Les équations de Friedmann se simplifient alors fortement. L'équation du fluide et la deuxième équation disparaissent complètement, et il ne reste que la première. Voici le résultat :

H2=ka2

Le calcul de la dérivée du facteur d'échelle

On peut alors utiliser la formule H=aa :

a'2a2=ka2

On multiplie par a2 :

a2=k

On prend la racine carrée :

a=k

L'équation n'a de solution réelle que dans le cas où la courbure est négative ou nulle. Attention : cela ne signifie pas qu'une courbure positive n'est pas possible. Elle est parfaitement possible, mais à condition que l'univers contienne de la matière ou du rayonnement. La présence de matière/rayonnement en quantités suffisante fait que la racine carrée ait bien un paramètre positif. Par contre, dans le cas d'un univers vide de matière/rayonnement, ce n'est pas le cas.

Le calcul du facteur d'échelle

En supposant que la courbure est négative et est égale à k=|k|, on a alors :

a(t)=(|k|)

Ce qui se simplifie en :

a(t)=|k|

Là encore, on pose K=|k| :

a(t)=K

En intégrant, on trouve :

a(t)=Kt+a0

Un univers à croissance linéaire ou statique

En négligeant la constante d'intégration a0, on a alors :

a(t)Kt

Traduit en langage commun, cela veut dire que l'univers est en expansion linéaire, à rythme constant. Le modèle obtenu n'est autre que le modèle à expansion linéaire que nous avions étudié dans le chapitre "Introduction aux modèles cosmologiques".

Précisons que si on suppose que l'univers a une courbure nulle, on trouve que :

a(t)=a0

Traduit en langage commun, cela signifie que l'univers est statique, sans expansion. Mais ce cas est celui d'un univers complètement vide, sans courbure, ni constante cosmologique, ni matière, ni rayonnement, ni quoique ce soit. La présence de matière ou de tout autre composant rend la solution instable et brise la stabilité de l'univers, sauf coïncidence extraordinaire et/ou choix bien précis de paramètres. Un univers statique n'existe donc que si l'effet de la matière est compensé par quelque chose ayant un effet inverse de même ampleur.

L'univers avec matière et courbure

Il est maintenant temps de voir le cas général, celui d'un univers courbe qui contient de la matière. Le cas général n'a pas de solution analytique (sous forme de formule simple), sauf dans les cas où la courbure est respectivement égale à -1, 0 et 1. Cependant, on peut comparer un univers à courbure non-nulle avec l'univers de courbure nulle et en tirer quelques conséquences. Pour faire cette comparaison, nous allons devoir parler du concept de densité critique, qui n'est autre que la densité compatible avec le facteur de Hubble pour un univers à courbure nulle.

Pour rappel, dans un univers à courbure nulle, la première équation de Friedmann est la suivante :

Hc2=8πG3ρc

On peut alors isoler la densité, ce qui donne :

ρc=3Hc28πG

La densité d'un tel univers de courbure nulle s'appelle la densité critique. Vous remarquerez qu'il existe une valeur de densité différente pour chaque valeur de la constante de Hubble et qu'elle évolue donc avec le temps.

Les cosmologistes utilisent souvent le rapport entre la densité mesurée expérimentalement et la densité critique, ce rapport étant appelé le paramètre de densité. Celui-ci vaut, par définition :

Ω(t)=ρ(t)ρc=8πG3Hc2ρ(t)

À partir de cette équation, on peut montrer que Ω1 est la déviation par rapport la densité critique, exprimée en proportion de la densité critique.

Ω(t)1=ρ(t)ρc1=ρ(t)ρcρc

Rappelons que la densité varie avec le temps comme ρ(t)=ρ0a3, et que cela vaut aussi pour la densité critique. En clair, le terme Ω(t) fait pareil. On a donc :

Ω(t)=Ω0a3.

La reformulation de la première équation de Friedmann avec la densité critique

Armé de ce concept de densité critique, on peut reformuler la première équation de Friedmann avec celle-ci, même dans le cas d'un univers avec courbure. Pour cela, on part de la première équation de Friedmann sous cette forme :

H(t)2=8πG3ρ(t)Ka(t)2

Par définition, on a : 8πG3ρ=Ω(t)Hc2, ce qui donne :

H(t)2=Ω(t)Hc(t)2Ka(t)2

Divisons par Hc2 :

H(t)2Hc2=Ω(t)Ka(t)2Hc2

On utilise alors l'équation Ω(t)=Ω0a3 :

H(t)2Hc2=Ω0a(t)3Ka(t)2Hc2

Le tout peut se reformuler comme suit :

H(t)2Hc2=Ω0a(t)31Ω0a(t)2

Le destin de l'univers et le scénario du Big-Crunch

Fort de l'équation précédente, trouvons les conditions pour lesquelles le facteur de Hubble s'annule à un moment bien précis. Pour cela, on pose simplement H(t)=0. On a alors :

0=Ω0a(t)31Ω0a(t)2

On a alors :

1Ω0a(t)2=Ω0a(t)3

On multiplie par a(t)31Ω0 :

a(t)=Ω01Ω0

Maintenant, étudions pour quelles valeurs de Ω0 cela peut se produire. On voit que cette équation n'a de sens que si Ω0>1, sans quoi le facteur d'échelle est soit nul, soit négatif.

  • Si on pose que Ω0>1, le facteur de Hubble s'annule pour un facteur d'échelle positif. Une analyse simple nous dit que le facteur de Hubble est positif mais décroit progressivement, avant de s'annuler quand a(t)=Ω01Ω0, avant de décroitre jusqu’à ce que l'univers atteindre un volume nul.
  • Si on pose que Ω0<1, c'est à que l'univers a une courbure négative, les seules solutions sont un facteur d'échelle négatif, ce qui n'a aucun sens. Il n'est donc pas possible que l'expansion de l'univers s'arrête dans un univers à courbure négative.
  • Si on pose que Ω0=1, c'est à dire quand l'univers a une courbure nulle, l'équation précédente est une division par zéro. On peut interpréter ce résultat comme le fait que le facteur de Hubble tend vers zéro quand le facteur d'échelle est infini.
Les trois scénarios pour le destin de l'univers en fonction de la courbure k.

On voit donc que trois scénarios sont possibles, suivant la courbure de l'univers :

  • Dans le premier scénario, l'expansion de l'univers finit par cesser et s'inverse, l'univers se contracte et le volume de l'univers observable diminue. En clair, l'univers s'effondre sur lui-même dans un grand big-crunch.
  • Dans le second cas, l'expansion de l'univers ne s’arrête jamais et ralentit, mais sans pour autant que le facteur de Hubble s'annule, sauf après un temps infini. C'est le scénario du big-rip.
  • Et enfin, dans le dernier scénario, l'expansion de l'univers ne s’arrête jamais, mais celle-ci ralentit progressivement. L'univers commence par s'étendre, mais son rythme de croissance diminue peu à peu, jusqu’à s'annuler après un temps infini. Dans ce scénario, l'univers ne grossit pas indéfiniment et verra son volume tendre progressivement vers un volume maximum. Ce scénario est appelé le big chill.
Courbure Ω Destin de l'univers Comportement de l'expansion
Positive Ω0>1 Big-Crunch L'expansion ralentit, s'annule et s'inverse.
Nulle Ω0=1 Big-Chill L'expansion ralentit et tend vers zéro avec le temps.
Négative Ω0<1 Big-Rip L'expansion ralentit et mais tend vers une limite non-nulle avec le temps.
Univers à courbure positive Univers de courbure nulle Univers de courbure négative

À l'heure actuelle, il semblerait que la courbure soit nulle, ou tout du moins tellement faible qu'on peut la considérer comme nulle. Toutes les mesures, réalisées par les satellites WMAP et Planck donnent bien une valeur quasiment nulle, aux imprécisions expérimentales près. Les mesures les plus récentes, provenant du satellite Planck, nous disent qu'il y a 95% de chances pour que le paramètre de densité soit compris entre 1.0008 et −1.0029.


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